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Légumes urbains
10 06

Trêve passagère de la vie de campagne, de ces coups de pelle qui vous arrachent le dos et vous exposent sans défense aux virulentes attaques de ces petits moustiques si affamés, de ces impressionnantes sorties de mon ami l’urubu qui, de temps à autre, vient survoler le potager avec tant de grâce. Fini aussi de s’émerveiller devant ces verts chatoyants qui donnent aux prés avoisinants cet air si vibrant et si enjoué.

Retour à la ville qui offre aussi son lot de petites merveilles et de satisfactions à condition de savoir où regarder. À l’intersection de deux artères montréalaises très achalandées, derrière des portes qui se ressemblent toutes et à travers lesquelles on entend trop clairement le tintamarre incessant des passants et des klaxons frénétiques, se trouve un endroit bien particulier, un casse-croûte original où l’on sert tout ce qu’il faut pour le réconfort de l’âme et même des légumes.

Pommes frites, oignons, poivrons, champignons baignés d’une onctueuse sauce dans laquelle flottent de petits grains de fromage fondant le tout coiffé d’une olive et accompagné d’une petite bière bien fraîche. Ce petit plat que l’on nomme ici patatine, a de quoi faire oublier la campagne, les maux de dos, les moustiques et, momentanément, les fruits du potager.

Que les légumes restent aux champs, ce soir, on mange en ville.

Conversations de table

Située en plein cœur du Plateau Mont-Royal, la friterie de luxe autoproclamée à laquelle je réfère fait le bonheur des habitués depuis quelques décennies déjà. Elle a de quoi satisfaire les épicuriens les plus invétérés qui se méfient comme de la peste, de la rectitude politique des tenants de la bouffe bio et des plats de légumes tous azimuts. Je pense même qu’elle pourrait corrompre certains de ces inconditionnels du végétarisme.

Un beau-frère carnivore avéré et ex-apparatchik politique y trouverait certainement matière à satisfaire quelques-uns de ses appétits.

On y mange des hamburgers sur lesquels trônent tomates, cornichons et piments forts et autres légumes, accompagnés de pommes frites, ou, pour ceux qui voudraient être triplement rassurés, d’une salade. On avale le tout en discutant politique, économie, réduction de la dette, gestion d’entreprises, des Canadiens et des crises syrienne et ukrainienne.

Une faune enjouée, curieuse et avide d’urbanité, papote en permanence autour du petit comptoir-lunch et des quelques tables qui habillent les lieux. Les places y sont très courues et, durant les périodes fortes, il faut parfois faire la file durant de nombreuses minutes pour pouvoir soir aux premières loges.

Du sourire des tenanciers

Aidés de leurs sympathiques collègues, les aimables propriétaires, un Outremontais qui vient tout juste de se découvrir une passion pour la culture de légumes et un enseignant de philosophie qui cite du Nietzsche en vous servant votre poutine, gèrent frites, hamburgers et clients de main de maître avec tout le sourire et la gentillesse qui sont de mise. Il leur arrive même, quand le temps le permet, d’agrémenter les conversations d’une petite pointe d’humour.

Il y a de l’ambiance, on s’amuse bien et on discute bouffe et actualité, tantôt en compagnie d’un conseiller en démarrage de PME, tantôt avec un éditeur de magasine sociopolitique, de jeunes Canadiens qui fréquentent l’université McGill, d’habitués de tous horizons et de touristes provenant de tous les coins de la planète. La vie urbaine, la vraie avec en prime, les meilleures frites en ville! Que demander de plus?

Oups, j’allais oublier les petits gâteaux. Pour finir, un reine Élizabeth camouflé sous un onctueux glaçage qu’un bon café permet d’avaler avec beaucoup moins de remords.

Retour à la case départ

Tous ces aliments et ces conversations finissent par fatiguer. Une pause bien méritée aiderait certainement la digestion. Je me surprends soudainement à penser au potager et à la campagne. Pour oublier tout cela, je cours m’enfermer dans mon 12e étage pour faire chanter ma Stratocaster en attendant de retrouver demain, les copains du rock band. Il sera par ailleurs bientôt temps de retourner au champ pour voir comment se portent mes petits amis végétaux qui poussent à vue d’œil en cette saison.

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2 comments

  1. Claire Dion

    Bien d’accord. Alors, on lunch bientôt à cet endroit de rêve ? Je ferais bien une entourse à mon ordinaire de salade cultivée sur mon balcon ! En ville….


  2. Génial!